Révolution en Bolivie… j'y étais !

Avertissement : long article mais les évènements font que je ne pouvais pas faire plus court !

BolivieSeptembre 2003

Nous sommes, un ami allemand et moi, à Sorata, petit village tranquille, à 5 heures de bus de La Paz. Le village est calme mais ne le sera plus d’ici quelques jours en raison de la fête annuelle. Des bus entiers viennent de La Paz et des villes environnantes pour la fête. Nous nous éclipsons un douce pour réaliser l’ascension de l’Ancohuma. Nous n’arriverons pas au sommet (mais presque) pour plusieurs raisons : temps incertain, panne de réchaud… qui nous ont démotivé. Une accumulation de choses qui font qu’on ne pourra pas partir à 4 h du matin, comme on le souhaitait. Ce n’est pas grave, l’important est de participer et de profiter du panorama exceptionnel.

Au retour, nous apprenons que le village est « isolé ». Les campesinos (paysans), en pleine protestation en Bolivie, ont bloqué la route. Peu d’importance pour nous car nous avons le temps. Mais certains ont un vol le lendemain…
Des chauffeurs de bus prennent la décision de partir quand même. Tout le monde se bat pour entrer dans le bus. Partagée entre l’envie de tailler la route (car c’est peut-être maintenant ou jamais) et la peur (que vont-ils faire de nous les bloqueurs de route ?), je reste sage et décide de rester au village (ça rime en plus !!).
Au moment de voir le bus partir, j’ai la gorge serrée et le coeur qui bat fort. J’ai peur de regretter. Nous regardons tous, anxieux, le bus partir et monter péniblement la route en lacets. Arrivé en haut, blocage. Nous le voyons faire demi-tour. Les campesinos ne le laisseront pas passer, même contre de l’argent. Retour à l’envoyeur !
Le bus arrivé au village, tout le monde va aux renseignements. La petite histoire durera quand même une semaine. Tous les jours, des rumeurs nous remontent aux oreilles : « un 4×4 va tenter de passer par l’autre route » (il y a seulement 2 routes qui partent du village), « un bus va tenter de partir demain à 9h00″… Et tous les matins, c’est la même chose. Tout le monde attend sur la place avec ses bagages. Puis, rien. Le grand vide.
Nous sommes fatigués d’attendre, de ne pas savoir, de se lever pour rien, d’entendre des conneries. Les restaurants et commerçants commencent à fermer, ils n’ont plus de provisions.
Nous changeons d’hôtel pour être à côté de la place et tenus au courant de l’évolution des évènements.
Un matin, on vient frapper à la porte « les militaires viennent en ville, une caravane de bus va être formée, vite vite… »
Je ne fais qu’un bond pour préparer mes affaires. Tout le monde est déjà sur la place. On attend quoi ? Une rumeur de plus ?
Ils arrivent. On applaudit tous à l’arrivée des camions des militaires.

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 Mais on ne sait toujours rien. On ne sait pas si on doit monter dans les bus, comment on va pouvoir se sortir de ce merdier. On achète quelques mini paquets de gâteaux et une bouteille. Bousculade pour rentrer dans les bus  (à ce moment là, l’instinct de vie et la connerie surtout refont surface). Ce n’est pas « A la recherche de la nouvelle star » mais « à la recherche d’une place libre dans un bus ». On trouve enfin une place. Quelque temps plus tard, la caravane est formée par une trentaine de bus et la même quantité de bus et camions militaires.
On nous donne les instructions : les enfants au milieu, attention aux fenêtres (oups, je suis côté fenêtre)… C’est parti mon kiki, paie ta route !

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 Je ne peux pas tout vous raconter en détail mais ce fût un enfer. Les bus avancent et stoppent des heures. Les campesinos se frottent les mains et nous regardent du haut des collines. Ils sont armés de pierres, de couteaux, et d’armes à feu. Vous voyez les militaires sortir des camions et chasser les campesinos afin de les éloigner, le temps que les bus avancent.

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 Des militaires passent avec une civière : l’un d’entre eux est blessé à la jambe par un coup de couteau. Les bus avancent, stoppent à nouveau. Je pense à cet instant que je n’aimerais pas être dans le 1er bus… Et en voyant les campesinos venir en courant derrière la caravane de bus, que je n’aimerais pas être derrière non plus. J’ai peur. Que fais-je ici ? Je pense à mes parents et je me dis que je vais peut-être mourir, sans être une « héroïne » en plus !!

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 (en zoomant, vous voyez quelques points sur la colline, ce sont les « campesinos » qui commencent à arriver, à l’arrière de la caravane…)

Un avion de l’armée rase le sol pour impressionner les campesinos. Ça nous laisse le temps d’avancer « un tant soit peu »…
Même les femmes « campesinos » s’y mettent. Elles font rouler des hauteurs des énormes rochers, jettent des pierres sur les fenêtres qui se brisent.

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journal_voyage_bolivieL’angoisse empire à la tombée de la nuit. Les ponts ont été détruits à coup d’explosif par les habitants. Les routes barrées par des troncs d’arbre. La peur revient : si les locaux ont laissé les militaires « passer » à l’aller, je me dis qu’ils doivent nous préparer quelque chose au retour. Je regrette d’être là, j’aurai dû rester à Sorata.
Puis, dans le bus, quelqu’un crie « attention, ils sont là ». Un groupe est caché dans les bois, en hauteur par rapport à nous. Les soldats ne les ont pas vu. A la suite de nos cris, ils finissent par les voir, et après 5 secondes d’hésitation, ils les poursuivent.
Plus tard, pendant la nuit, on reste bloqué dans une ville environ 2 heures sans rien savoir. Ça sent le gaz. On entend des tirs, on ne sait pas s’ils proviennent des soldats ou des campesinos…
Enfin, on avance à nouveau. Etrange, il n’y a personne dans la ville, juste quelques soldats qui surveillent.

Clou du spectacle, le bus n’a plus d’essence. C’est l’hystérie dans le bus, « remboursez, disent-ils au chauffeur ». La situation devient même comique. Je pense que les Boliviens ne se sont pas rendus compte de la situation ou alors ils y sont habitués. Quelqu’un finit par aller demander de l’essence aux militaires. Qui a une bouteille ? qui a un couteau ?
Personne ne réagit. Je regarde ma bouteille de coca, il en reste un fond. En tant qu´héroïne (enfin !!!), je donne ma bouteille et je prête mon couteau. Ils la coupent en deux, et sans rincer la bouteille (arf, un mélange coca-essence nous fera peut-être rouler plus vite…), ils versent l’essence dans le bus. Remerciements, photos et rendez-moi mon couteau !

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 Le trajet aura duré 15 heures (au lieu des 5 heures classiques).
Le chef des militaires monte dans le bus. Il nous demande de l’écouter. Il nous dit qu’il sait que tout le monde déteste les militaires. Mais ils sont venus nous sortir de cette histoire et ont risqué leur vie pour nous. 6 d’entre eux sont morts. Il nous conseille de faire une dénonciation à l’arrivée. Silence total, nous prenons conscience de notre chance d’être encore vivants. Il nous remercie.

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A notre arrivée à La Paz, des journalistes nous sautent dessus « vous avez eu peur », « qu’avez-vous ressenti ». Il est impossible de dire ce que l’on a ressenti en 2 mots, je ne parlerais pas. Bien-sûr, la presse suivait notre « séquestration » depuis une semaine…

 

Et, comble de la connerie, le gouvernement Bolivien (pour « réparer » ses fautes et pour qu’on se taise) nous logera le reste de la nuit dans un hôtel 5 étoiles (juste les étrangers et nous ne sommes pas si nombreux que ça). Tellement fatiguée que je ne bronche pas. Ils nous offrent le repas à 3 heures du mat…

The end

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8 réponses

  1. Merde alors, je croyais que ça n’existait que dans Tintin chez les Picaros. ça me conforte finalement dans mon idée de ne jamais voyager.

  2. planetemonde dit :

    Arf, il ne faut pas se formaliser…
    Je suis juste tombée au mauvais endroit, la mauvaise année, le mauvais mois et le mauvais jour 😐
    Bon, d’accord, ça coûte moins cher d’acheter une BD ou de louer un film pour se faire peur… mais je t’assure que ce n’est pas pareil 🙂

  3. Anonyme dit :

    Faut toujours se méfier de ce qu’on fait… Même sang voyager et sans sortir de chez soi on peu se faire mal et mourir. Mais bon c’est un autre sujet.
    Voyagez ça forme la vieillesse…

  4. Phil dit :

    Le plus dur quand on voyage c’est que les gens ne parlent pas votre langue et qu’en plus ils ne font aucun nez fort. Pour ma part je suis allé à St Chamond et les Couramiauds ils ne m’ont pas parlé une seule fois en Français. A part fouillat, gaga ou autre je n’ai jamais pu me faire comprendre !
    Ça c’est un voyage exotique…

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