Le mythe du vrai voyageur
« Ce sont eux les touristes, pas moi », pourrait-on dire au Mont Bromo, en Indonésie ou bien au sommet du Machu Picchu, au Pérou.
En rédigeant le précédent article Voyagez déconnecté !, je me suis rendue compte que ce n’est pas tant la question de voyager connecté ou déconnecté qui est importante. Elle peut l’être. Certes. J’ai mon point de vue à ce sujet. Mais cela m’a permis – en même temps – de m’interroger sur ma propre façon de voyager. J’entends parfois mon père critiquer les voyageurs qui se déplacent de point d’intérêt en point d’intérêt, je crois que je n’aime pas l’entendre le dire, juste parce qu’il n’y a pas un voyageur idéal, qui voyage mieux que les autres, et que les différences constituent une richesse justement.
Mais, au fond, il a un petit peu raison. Ils voyagent à vélo mes parents donc c’est plus facile de s’arrêter là où bon leur semble. D’ailleurs, ils adorent visiter les écoles sur leur passage. Voici une vidéo réalisée par leurs soins.
Quand on voyage en bus, c’est parfois frustrant, on voit par la fenêtre un endroit fort sympathique, où on passerait bien quelques jours. Et si je m’arrête là, est-ce que je trouverai à me loger ? Sinon, est-ce que je trouverai un autre bus cette fin de soirée pour continuer ma route ? Les transports en commun, aussi locaux soient-ils, rendent tout de même plus dépendant. Mais est-ce pour autant qu’on voyagerait moins bien ?
Cela vous donne le ton ! On a remis cette question au goût du jour, avec mon homme, lors de nos dernières vacances en Bretagne. On comparait nos deux séjours en Bretagne, à 2 ans d’intervalle. La première fois, on n’avait pas pris de guide papier. Quoi que peut-être un vieux guide Michelin prêté par ma tante… Mais on l’avait peu utilisé. On ne connaissait pas Tripadvisor donc pour chercher un resto, on se fiait à notre instinct. On garde un superbe souvenir de ces vacances.
Cette année, même si c’était bien, c’était différent. On a acheté 2 guides sur la Bretagne – même 4 – le Michelin Bretagne Nord, le Michelin Bretagne Sud, le Routard Bretagne Nord, le Routard Bretagne Sud ! On s’est retenu d’acheter plus, le Lonely Planet nous faisait bien envie ! On a parfois utilisé Tripadvisor pour chercher un restaurant.
Mais finalement, on n’était pas très satisfaits. On n’arrivait pas à se décoller facilement des guides de voyage et c’était un peu la course aux sacs à dos ! Vous vous demandez sûrement ce qu’est cette fameuse course aux sacs à dos ? C’est un peu comme une course aux étoiles Michelin. Sur le Routard, les meilleures choses à faire ou à voir sont indiquées par des petits sacs à dos : 1 sac à dos pour un truc moyen, 2 sacs à dos pour un truc bien, et 3 sacs à dos, c’est le summum !
« Chouette, on va se faire une journée 6 sacs à dos ! ». Grâce à notre bande-dessinées de vacances, c’est devenu un jeu d’ailleurs, celui de l’auto-dérision !
Le problème, aussi bien avec les guides de voyage, Tripadvisor, voyager connecté ou déconnecté, et aussi dans la vie en général, est peut-être l’excès. C’est un peu comme le resto finalement. J’apprécie de manger dans un resto mais si c’est tous les jours, j’ai hâte de cuisiner à nouveau un bon (ou mauvais) repas à la maison !
Que chacun, individuellement, puisse (à condition qu’il le veuille) encore se poser la question : « comment j’utilise ces outils ? » « pourquoi ? » « quand ? » peut se révéler intéressant. On peut vite tomber dans la boulimie et devenir dépendant de toutes ces sources d’informations. Overdose.
Je vous parle aussi, à travers ces lignes, de ma propre manière de voyager, ou de me déplacer. J’ai toujours tendance à hésiter entre le Routard, le Lonely Planet, le Michelin. Juste pour la simple et bonne raison que tous ces guides de voyage sont complémentaires. Et si, par exemple, je choisis le Routard pour tel voyage, je serai toujours un peu frustrée d’être susceptible de louper un truc signalé dans le Lonely Planet. La vie d’un voyageur (et d’une voyageuse) n’est pas facile, je vous assure.
J’aime la remarque de Xavier, croisée au fil d’une discussion sur le voyage connecté ou déconnecté (pour plus de réflexion à ce sujet, voir son article dans le numéro « 25 ans » du Globe-Trotters Mag d’ABM (jan-fév. 2013) sur les façons de voyager d’aujourd’hui vs. il y a 25 ans) :
Le XXIème siècle est passé par là, redéfinissant ou élargissant la notion de voyage.
La peur de l’inconnu, l’accroissement du besoin de sécurité (comme vouloir planifier son trip dans les détails), la peur d’échapper au rythme de son quotidien (raconter chaque jour ce qu’on a fait, ce qu’on a vu, chercher un cybercafé comme on chercherait sa méthadone !), et mettre en place tous les filets pour « réussir » son voyage (« googlemappiser » son itinéraire avant de partir, planifier ses points de chute « couchsurfing ») sont les symptômes visibles chez la nouvelle génération que je rencontre dans les festivals de voyage. C’est comme ça.
Ainsi, pour être sûr de ne pas tomber dans l’inconnu, on préférera se fier aux avis de milliers de gens sur Tripadvisor qui ont tous aimé la même chose plutôt que de se laisser guider son chemin par les rencontres impromptues sur place. Aussi, on ira visiter surtout les sites marqués 4* sur le Routard et revenir du coup avec les mêmes souvenirs (et les mêmes photos prises du même promontoire) que tout le monde… alors qu’à 10 km se trouve une vie totalement ignorée de tous, un petit village qui ne paie peut-être pas de mine touristiquement parlant, mais dont les habitants attendent d’en dévoiler les secrets au rare voyageur de passage qui se montrera plus curieux que la moyenne (…)
Mais les autoroutes du tourisme sont aujourd’hui de plus en plus rectilignes et de moins en moins enclines à montrer les panneaux de sorties. « Hors des sentiers battus » à 25 km. Route barrée – déviation obligatoire. C’est comme ça aussi.
Peut-être suis-je un voyageur old fashion ? Après tout, à chacun de faire son idée sur le voyage et de le vivre comme il l’entend. Personnellement je voyage déconnecté et partage avec l’habitant, ce qui me va très bien. D’aucuns préfèrent partager avec leur communauté Twitter ou Facebook… l’essentiel, je dirais, c’est de ne pas oublier de vivre l’instant présent une fois sur place, d’ouvrir les yeux sur ce qui nous entoure et de resté en priorité « connecté » à ces terres lointaines qui sont ce pour quoi on part.
Je me reconnais bien dans certaines de ces attitudes, on a beau lutter contre parfois, cela nous dépasse. Comme pour l’utilisation de Tripadvisor, quand je suis déçue par plusieurs restos, je reviens en courant vers mon sauveur Tripadvisor. Et pourtant, si on s’attend à ce qu’on va trouver (un restaurant correspondant aux avis des internautes), où est la surprise ?
Mais il n’y aurait, au fond, pas de vrais voyageurs et faux voyageurs, des bons et des mauvais, de simples touristes et nous. On a peut-être tout de même un modèle au fond de nous. Un idéal. Pour moi, le « vrai » voyageur est celui qui se pose dans un pays, prend le temps et avance doucement.
Auto-portrait de Marco Teodonio, un baroudeur / photographe rencontré en Argentine
C’est quelqu’un avec une barbe de 6 mois, un vieux sac à dos et des vêtements simples, sans marque. C’est celui qui n’a pas d’itinéraire et se laisse guider par ses rencontres. Celui qui prend les transports locaux avec tout au plus 2 touristes (dont lui-même), 3 poules, 6 enfants et un type qui joue de la guitare au milieu du bus. J’ai encore d’autres images en tête mais je vais m’arrêter là !
Et moi, je me situe où par rapport à ce « modèle » ?
Je ne suis décidément pas une grande voyageuse. Je n’ai pas de barbe de 6 mois, ni les cheveux ébouriffés. J’avance parfois doucement, mais pas toujours. Le temps est parfois compté. Mon itinéraire se crée au jour le jour. Ce n’est pas grave, je m’améliorerai ! Il n’y a pas une façon de voyager, heureusement.
Je suis partie 3 mois au Pérou et plus largement en Amérique Latine, puis j’ai récidivé l’année suivante pendant 4 mois, puis 1 mois. Je n’ai pas vu le Machu Picchu. Si je vous dis que je n’ai pas eu le temps, me croirez-vous ?
Je serai curieuse de connaître votre voyageur idéal, celui qui sommeille en vous (même si vous êtes loin de coller à cette image). Peut-être qu’il s’agit quelqu’un croisé en chemin, ou encore l’une des personnes tenant un blog voyage, vos propres parents, votre tante éloignée… A vos crayons !
Réflexion intéressante. Je pense, pour ma part, qu’il n’y a pas de vrais ou de faux voyageurs. Il n’y a que des voyageurs différents avec chacun son propre point de vue sur le voyage. Chacun attend également des choses différentes d’un voyage : découverte de la culture, rencontre avec la population, s’imprégner des traditions ou bien encore simplement s’évader de son quotidien ou se dire qu’il existe autre chose. Chacun voyage aussi avec ses propres contraintes de temps, d’argent, de famille,…
Les guides peuvent être une aide mais n’oublions pas de nous laissez porter par les émotions, par ce que nous vivons et découvrons.
En tout cas, merci pour cet article!
Tu as bien raison, il n’existe pas de vrais et faux voyageurs, et aussi, même si on apprécie une certaine manière de voyager, ce n’est pas pareil de voyager seule puis en couple, puis avec bébé, et une famille plus grande, je n’en parle même pas ! C’est toujours possible, certes, mais cela demande plus d’organisation. Merci pour ton commentaire 🙂
Article vraiment très intéressant, on en parlait justement au travail y’a pas longtemps. Une de mes collegues prefere partir sans rien preparer, sans guide et estime que c’est ça le voyage, une autre va dans un tout-inclus, les doigts de pieds en éventail. Quand à moi, j’avoue préparer scolairement mon voyage avant le départ : quoi visiter, quand le visiter. Je réserve toujours mes hôtels à l’avance, j’ai trop peur de me retrouver sans un toit. Par contre, pour les resto et la plupart des choses c’est au gres de ce que je croise. J’imagine qu’il y a autant de façon de voyager que d’êtres sur notre planete .
Oui, les différences sont toujours très enrichissantes, heureusement qu’on n’est pas tous pareils, il n’y a pas une seule façon de voyager, chacun trouve son compte dans sa manière de voyager et en retire certainement quelque chose. Merci pour ton commentaire 🙂
On est tous différents, selon avec qui je pars je choisis des activités différentes, mais aussi des hébergements différents.
Par contre pour ton dilemme routard/lonely, je fais en fonction des destinations, car autant pour l’Europe le routard est génial, autant pour le reste le lonely est en général bien mieux !
Pour ce fameux dilemme, pour moi, l’idéal serait un guide Michelin Voyager Pratique, parce qu’il est très agréable à parcourir, avec ses cartes et couleurs, avec les bons plans du Routard à l’intérieur, et les informations très complètes du Lonely. Alors, qui se lance pour créer le guide idéal ?!!! Je plaisante, le guide idéal reste de rencontrer du monde sur son chemin 🙂
Un débat qui reviens toujours. J’ai coutume de dire que tout voyageur est un touriste. Mais l’inverse n’est pas forcément vraie !
C’est marrant, je trouve qu’en général, le terme « touriste » a une connotation négative alors que « voyageur » plutôt une connotation positive. Pourtant, si on regarde la définition du mot « touriste », elle est vraiment très large, et peut s’interpréter aussi bien positivement que négativement ! http://www.cnrtl.fr/definition/touriste
Bref, cela donne à réfléchir !
J’ai trouvé cet article très intéressant. Il me fait penser aussi à un collègue, George, qui ne rentre pas facilement dans ces « grilles » : il a plusieurs passeports, et a voyagé un peu de partout, surtout en voyage d’affaires il faut dire. Mais il garde toujours dans son portefeuille bien usé des billets d’une dizaine de monnaies différentes, passe son temps à faire la navette entre le France et la Grande Bretagne, et n’hésitera pas à aborder n’importe qui en voyage, où qu’il soit. Alors oui, je trouve aussi difficile de cerner exactement qu’est-ce qui ferait un « vrai » voyageur, si ça a du sens de le dire comme ça.
Merci pour cet article et ton point de vue ! En effet, il n’y a pas une meilleure façon de voyager. Chaque personne est libre de choisir ce qu’il veut faire.
Mais pour moi, c’est surtout une question de temps, par exemple pour un voyage à Montreal visiter de la famille, je n’ai eu qu’une semaine, du coup au lieu de visiter les alentours et passer mon court temps dans les transports.
Nous avions choisi de bien nous imprégner la ville et des gens qui y vivent.. et le mythe du canadien barbu s’effondra, c’est pas à Montreal qu’on va en trouver.
Du coup, calmement avec des grosses demie journée dans chaque quartier en se baladant et trouvant de bonnes adresses où bruncher sur Tripadvisor/Yelp on a passé un super moment, et on y retournera pour visiter les terres intérieures !
Pour ce qui est de la gastronomie, j’ai maintenant beaucoup de mal à détacher de Trip et Yelp et blogs afin de ne pas avoir de déception et dépenser de l’argent inutilement !
Tu m’as fait rire avec le mythe du canadien barbu. C’est sûr qu’à Montréal… dur dur !!!
Comme tu dis, ça dépend vraiment du temps pour réaliser le voyage. Par exemple aussi, on part une quinzaine de jours au Mexique très prochainement, et moi qui n’aime habituellement pas planifier les voyages, j’ai regardé un minimum parce que 15 jours… c’est super court !
Merci pour ton commentaire 🙂
Un débat sans fin ! Mais comme tu le dis, l’important est de prendre un peu de recul et de s’interroger sur sa façon de voyager. On peut soit même être un voyageur très différent selon sa destination, son humeur, son entourage…
Quand à dire qu’il n’y a pas de mauvais voyageur, ça se discute, mais il y a tout de même de très mauvais comportements de voyageurs… Genre je vais me permettre de faire à l’étranger ou en vacances ce que je ne me permettrai pas de faire chez moi. Ça, ça m’exaspère !
Tu as raison, je n’avais pas pensé aux mauvais comportements des voyageurs, ce serait à lister tout ça et je crois qu’il y aurait de quoi faire !
article tres interessant !
Je ne te souhaite pas d’avoir de la barbe 🙂 et oui je te crois quand tu dis que tu n’as pas le temps et c’est bien le problème. On a tous peur de passer à coté du site incontournable, celui quand tu reviens et on te demande si tu l’as vu et tu dis « ah non ».
Mon voyageur idéal est celui qui etudie le guide mais ne le prend pas avec lui. Je sais ce que j’aimerai voir mais je m’autorise à me perdre mais pour ça il faut du temps et malheureusement j’en ai pas assez alors je prends mon lonely partout avec moi, parfois je fais les circuits proposés par le guide « comment visiter la ville en quelques heures » et je me retrouve à suivre d’autres voyageurs qui ont le lonely à la main. Par contre, comme je voyage hors saison, je ne suis pas le guide pour les resto ou hotel (à part si j’arrive très tard en ville) je prend le temps de flaner et je me fie à mon instint cela me permet de verifier les chambres avant de booker mais aussi de trouver des petites perles 🙂
Je te l’accorde la vie de voyageur n’est pas facile :p
Très intéressant ton article, même si c’est difficile de répondre à ces questions ! Pour ma part, je prends toujours un ou deux guides pour le plaisir de me mettre dans le bain avant. Mais pour les voyages, soit j’organise tout au millimètre en récupérant le maximum d’infos, soit j’y vais complètement au hasard. Et les 2 méthodes ont toutes les deux eu des très bons et des très mauvais résultats ! Mais je vois plus comme une touriste. Même si j’essaye de me fondre au maximum dans le paysage et de comprendre le lieu que je visite, je pense qu’un voyageur va encore plus loin. Qu’importe l’endroit qu’il visite, il ose aller vers les autres et mettre de côté ses opinions et ses envies pour être complètement à l’écoute et découvrir tout ce qu’une région et ses habitants ont à offrir. Plus difficile à faire qu’à dire !